L’agence AKG-images a été sommée par la justice de rendre l’intégralité de son fonds au photographe Daniel Frasnay, sous astreinte d’une amende de 300 euros par jour de retard. Le jugement rendu le 2 avril critique «la résistance manifestement abusive dont fait preuve la société AKG» à remplir ses obligations envers l’artiste.
Libération avait attiré l’attention sur la situation dramatique de Daniel Frasnay (édition du 30 septembre 2008). Agé de 81 ans, il fut, dans le sillage de Doisneau, un artiste photographe de la nuit parisienne, auteur d’ouvrages sur le Moulin Rouge ou le Lido et portraitiste de figures de la vie de Saint-Germain-des-Prés et de Montparnasse, tels Jean-Paul Sartre, Max Ernst ou encore Alberto Giacometti.
Conseillé par un avocat, Me Stéphane Colombet, Daniel Frasnay s’est décidé à attaquer ces documents devant le tribunal de grande instance de Paris. Pour toute réponse, AKG a fait saisir en octobre 2008 la totalité des archives qui restaient dans son atelier à Villeurbanne. Aucun inventaire n’a jamais été fourni à l’auteur. Il ne lui restait plus rien : aucune photographie et aucun pourcentage sur les ventes.
Le 27 novembre dernier, le TGI avait condamné AKG à restituer la totalité de son fonds au photographe et à lui verser 150 000 euros de dommages et intérêts, annulant ces documents qui violaient le code de la propriété intellectuelle. Il n’est pas possible, en effet, d’acheter ainsi l’œuvre d’une vie. De plus, l’accord de 2006 comportait une clause par laquelle l’agence s’autorisait tout sur les photographies, comme les recadrer, incruster d’autres images, modifier les légendes, changer les couleurs ou l’éclairage, modifier ou même supprimer «le parti artistique, le sujet ou la composition» et, pour faire bon compte, les soumettre à toute «déformation» et autre «modification graphique, virtuelle, ou de synthèse» voulue par AKG.
Ces dispositions ont été jugées contraires au droit au «respect de l’œuvre», qui est inaliénable. Par conséquent, même si le photographe avait fait preuve de «légèreté» en acceptant de signer ce pacte, percevant ainsi de l’argent à courte vue, le contrat ne peut pas être accepté par la justice. Cette dernière a par ailleurs estimé qu’AKG n’avait pas abusé de la faiblesse du photographe, même s’il se trouvait alors dans un état de santé précaire et traversait de graves difficultés financières.
L’agence a fait appel du jugement et n’a pas bougé, ce qui explique le sérieux rappel à l’ordre du 2 avril. Me Colombet a dû faire saisir la moitié des 150 000 euros sur les comptes de la société, ayant pris soin de retrancher les versements anciens que son client avait touchés. Six mois après le jugement, AKG n’a toujours pas rendu un seul de ses milliers de négatifs et tirages à Daniel Frasnay.