Paris libérée, les photographes donnent plus que jamais une place essentielle à l’homme, où qu’il vive. C’est dans le monde du spectacle et de la nuit que nombre d’entre eux choisiront de travailler. Daniel Frasnay est l’un d’eux.
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Zizi Jeanmaire et Roland Petit dans Carmen - 50's |
La même année, il devient le photographe attitré du théâtre du Châtelet, du théâtre de Paris ainsi que du théâtre Marigny où il suivra tous les spectacles montés par Jean-Louis Barrault. La fréquentation des théâtres parisiens lui permet au fil des ans de rencontrer d’abord, puis de photographier souvent les grandes vedettes de l’époque qu’elles soient du théâtre, du cinéma et même de la chanson. C’est ainsi qu’il photographie Jacques Brel, Brigitte Bardot, Ingrid Bergman, Yves Montand, Jeanne Moreau, Edith Piaf, Marlène Dietrich, Ella Fitzgerald, Juliette Gréco, Léo Ferret, Les Beatles…
L’année 1952 sera incontestablement déterminante pour celui que l’on qualifie de spécialiste des Nuits Parisiennes : Pierre-Louis Guerin et René Fraday lui demandent d’assurer le reportage de leurs spectacles de l’Empire et du Lido. D’abord présent dans les coulisses du théâtre de l’Empire, avant même les journalistes, Daniel Frasnay immortalise le retour sur scène et le triomphe de Maurice Chevalier, ce qui lui vaudra d’être remarqué par le directeur artistique de la revue "Pleins Feux" pour laquelle il assure alors toute la campagne publicitaire.
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Mlle Candida à la Comédie Caumartin - 1956 |
Pendant ces nombreuses années c’est un travail très complet qu’il fournit à la demande non seulement des propriétaires, la Famille Clérico, mais aussi du directeur artistique. Il fallait en effet montrer la qualité du travail du costumier ce qui nécessitait une précision photographique extrême. De plus, il devait faire le portrait de chacune des Bluebell girls, les vedettes, ainsi que ceux des danseurs. Comme la revue, les spectacles étaient très bien montés. La direction mettait tout en œuvre pour renouveler en permanence leurs spectacles qui attiraient le monde entier. On y a vu des sous-marins, des hélicoptères. Des premiers clichés noir et blanc faits au début des années cinquante avec un simple et unique flash, à ceux des grandes parades colorées des années quatre-vingt et quatre-vingt dix, Daniel Frasnay a réalisé un nombre impressionnant d’œuvres aux compositions rares et marquantes.
En 1960, il deviendra le photographe des Revues du "Bal du Moulin Rouge" dont la famille Clérico est également propriétaire.
Il a également été le photographe des revues des Folies Bergères et de la Nouvelle Eve où les Hallyday qui en étaient l’attraction lui ont demandé de photographier le petit Johnny qui débutait et à qui ils ont donné leur nom. Ce cliché de Johnny de 1952 est encore régulièrement publié.
Il travaillait aussi à l’époque pour deux des plus célèbres cabarets de travestis : Madame Arthur à Pigalle, place Blanche, prés du Moulin Rouge et le Carrousel qui était à côté du Lido.
Pendant plus d’une dizaine d’années, tout ce qui vit la nuit est son royaume. Parallèlement aux commandes des nombreux lieux de spectacles parisiens, il accumule pour lui les clichés arrachés au peuple nocturne de Paris, les scènes de rue et non plus uniquement les scènes des cabarets.
Mais avant lui et jusqu’à ce jour, le photographe le plus connu pour ses images des nuits Parisiennes est Brassaï. Dès 1930, il photographie les bas-fonds de la capitale, s’introduit dans les ruelles et les coins les plus sombres révélant les visages d’un peuple de noctambules. "La prostituée Bijou" au bal de la Lune compte parmi ses photographies les plus connues de cette époque. En 1932, parait un ouvrage intitulé "Paris de nuit" qui fera la légende du Paris des années trente.
Inévitablement, un photographe comme un peintre, un sculpteur, un écrivain ou un poète est représentatif de son époque. Même s’ils travaillent sur des sujets apparemment identiques, les préoccupations de leur temps étant les mêmes, chacun perçoit les choses différemment. Daniel Frasnay, représentant le plus jeune de ce mouvement photographique français qu’est la photographie humaniste, à un style qui lui est propre, une identité à part. Durant toutes ces nuits, parfois même jusqu’à l’aube, il a saisi ce que sa sensibilité lui permettait d’approcher, les gens ordinaires, loin des paillettes, ceux de la vie quotidienne.
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Le Pigall's - 1956 |
Christian Caujolle, directeur de l'Agence Vu, à l’occasion de l’exposition "Portraits des jours et de la nuit" au Centre Photographique d’Ile de France en 1991
C’est en 1956 que paraîtra en librairie la première publication de "Paris la Nuit", aux éditions Bruna (Utrecht).