Ma photo
Daniel Frasnay est un des grands photographes du XXème siècle encore largement méconnu.
C’est la raison pour laquelle nous voulons défendre son œuvre.

présentation

Les ADF viennent de se constituer en association loi 1901 dont les deux buts principaux sont les suivants :
Le premier est de faire connaître et de promouvoir l’œuvre de Daniel Frasnay qui est l’un des derniers photographes humanistes vivant, contemporain de Doisneau, Boubat ou Ronis, et auteur d’un ouvrage de référence « Leur monde, peintres et sculpteurs ».
Paru en 1969 aux éditions Draeger, ce livre consacré à trente trois artistes parmi lesquels Braque, Giacometti, Miro, Dali, Mathieu, Buffet, De Kooning, Moore… est né de ses rencontres avec les acteurs phares du monde artistique de cette époque. Cet ouvrage somptueux qui associe textes et photographies de Daniel Frasnay est à lui seul un véritable témoignage du patrimoine culturel et artistique de l’après-guerre en France.
La variété et la qualité des autres ouvrages qui ont été publiés sur son travail, les expositions qui lui ont été consacrées, témoignent aussi de sa singularité et de sa grande maîtrise de l’art photographique.
Nous possédons bien sûr un important fond documentaire que nous souhaitons développer. C’est pourquoi nous nous adressons à tous les collectionneurs, amateurs, professionnels et institutionnels pouvant nous aider dans cette tâche. Tous documents, témoignages, propositions seront les bienvenus.
Le second but de l’association est de faciliter la recherche d’une solution matériellement convenable et digne pour un artiste de cette importance.
En effet, Daniel Frasnay vit actuellement dans une situation de précarité insoutenable et les soucis assombrissent sa vie depuis 1999, date à laquelle il a dû céder ses droits sur ses archives à une photothèque allemande. Il se trouve depuis pris dans le piège d’un véritable imbroglio juridique, économique et financier.

Émus et révoltés par cette situation qui porte atteinte à la dignité d’un homme de 83 ans, les ADF ont décidé d’agir en mettant son œuvre à l’honneur et en refusant de le voir terminer sa vie dépossédé de tout ce qui a donné sens à son existence.

Archives presse



Paris - Presse - L'Intransigeant - France Soir - 26 juin 1969 - par Michel Villeneuve

UN LIVRE D’ART QUI EST AUSSI UN ROMAN D’AMOUR

Daniel Frasnay dit qu'il est photographe.
C'est vrai, il l'est aussi. Le beau livre « Leur monde » (chez Draeger, avec une préface de René Huy­ghe) qu'il vient de consacrer aux peintres et aux sculpteurs les plus célèbres de notre temps le prouve.
C'est fou ce que l'on peut faire avec un appareil photographique quand il a l'œil, le talent, la perspicacité et la sensibilité de M. Frasnay.
« Leur monde » est un livre d'art au sens commun du terme, c'est-à-dire que l'on y trouve les photos de certains chefs-d’œuvre et celles de leurs créateurs.
En réalité, il se cache derrière ce qui ne pourrait être que traditionnel, anodin, simplement « joli à regarder », un véritable roman d'amour. Frasnay est à la fois un artiste et un amateur d'art. Même un amateur d'artistes. Il aime, il admire ceux qui créent. Et pour les remercier de lui avoir donné tant de joies esthétiques, profondes, i1 leur a consacré à la fais son cœur, sa poésie, sa pellicule et sa plume.
Par le texte ou par l'image, il restitue à ceux qu'il admire ce qu'ils lui ont donné. Ils semblent lui avoir donné beaucoup : leur confiance.

Intermédiaires 
Tout se passe comme si Frasnay, une fois admis chez un peintre ou un sculpteur, s'était incorporé aux murs, fondu dans le décor. Témoin tellement discret qu'il n'a empêché ses amis ni de créer ni de se révéler en sa présence tels qu'ils sont.
C'est pourquoi il y a dans « Leur monde » des visages admirables : Braque si las, Magritte pince-sans-rire qui semble si bien « jouer », Magnelli avec sa belle gueule d'artisan, Zadkine, ascétique, Mathieu, torturé.
Il faudrait pouvoir les citer tous car ils se sont tous offerts à Frasnay, à tel point que l'on a peine à croire qu'entre eux il y a eu l'intermédiaire d'un appareil photo.
Certains documents sont en couleurs. Cela ajoute parfois quelque chose, mais ceux en noir et blanc ne sont jamais en retrait, jamais inférieurs.
Si les personnages de « Leur monde » ont confié leur visage, leur palette, leur atelier, leur environnement intime à Frasnay, ils lui ont aussi fait cadeau de leurs pensées. Des textes inédits ou même des pages un peu plus longues. Par exemple, ce joli poème de Jean Arp :

 « Les choses
Que nous disons inanimées
Ne le sont point.
Elles se frottent les mains   
En riant doucement sous cape
A l'idée                            
De la chance qu'elles ont
De n'être pas des hommes ».

L'écriture de Daniel Frasnay n'est pas en reste. Elle vaut l'objectif qui prolonge son œil. Tout cela fait du livre un chef-d’œuvre qui se situe sur le même plan que les œuvres qu'il a voulu honorer.
Frasnay a peint de sa main et avec son appareil photo une fresque d'hommes et de. femmes pour lesquels bat son cœur et palpite son âme. A ce titre, il avait lui aussi sa place dans cette galerie de portraits. Ses amis l'ont si bien compris que l'un d'eux, Hartung, a pris de Frasnay la photo qui illustre la jaquette du livre.


______________________________________________________________
Photo cinéma magazine - juillet 1969 - par Daniel Masclet

LA REVUE DES BEAUX LIVRES

Un homme, un livre, une œuvre... ! Tel m'est apparu « LEUR MONDE »... l'extraordinaire ouvrage, textes et photos, consacré par Daniel Frasnay à la gloire des peintres et sculpteurs modernes.
Qui est Daniel Frasnay ? D'abord, mon ami ! Et si vous me demandiez pourquoi, je vous dirais tout simplement que c'est ainsi, et non autrement. Un ami c'est quelqu'un qu'on aime. Il n'y a pas besoin d'autres raisons.
Daniel Frasnay, qui donc est mon ami, est Français Photographe, Gitan de surplus, et aussi « mi tocayo »... je vous laisse le plaisir de chercher l'explication de ce mot dans un bon dictionnaire espagnol. Vous pouvez la trouver également, sous la plume de Victor Hugo, dans « Les Travailleurs de la Mer ».
Ceci dit, j'ajoute que l'amitié la plus vive ne m'a jamais autorisé à faire la moindre entorse à la vérité, et que si je dis « LEUR MONDE » est un monument c'est que j'en suis sûr ! Cela crève les yeux !
« Leur Monde » est celui des grands artistes, des grands créateurs d'aujourd'hui. C'est un monde à part, gigantesque, un paradis ou un enfer, débordant toujours d'une tristesse infinie, toujours éblouissant de beauté, brûlant d'un feu torride et glacial... Ce monde est tout près du nôtre, parallèle avec le notre : il est simplement décalé d'une microseconde ou deux dans l'Espace-Temps... Dans ce monde vivent les artistes, séparés de nous par cette frêle et intouchable bannière, et leurs œuvres - tableaux, dessins, sculptures - sont des tentatives de se relier à nous, de jeter un pont par dessus l'incommensurable abîme, pour se rapprocher de ces 37 degrés, de cette chaleur humaine, dont ils ont un besoin désespéré…
Daniel Frasnay est un de ces êtres rares qui possèdent le privilège exorbitant de pouvoir communiquer de plein pied avec ces génies, de connaître leur langage... A travers ses photos, comme au long de ses textes (car Frasnay l'écrivain est aussi merveilleux que Frasnay le photographe) nous comprenons enfin tous ces grands maîtres, clairement, instantanément, comme par le relais d'une extraordinaire télépathie... C'est pourquoi son livre « Leur Monde » est vraiment un grand livre.
Je connais Frasnay depuis toujours comme photographe, et j'avais foi en lui. Mais il me semblait - intuition, antennes ? - qu'il y avait quelque chose, je ne savais quoi, une sorte d'ombre froide, qui l'entourait, qui l'étranglait, qui l'empêchait de fleurir, de s'épanouir dans toute sa vigueur... II n'arrivait pas à croire en lui-même... Cette ombre aujourd'hui a éclaté, a volé en morceaux, et la lumière est entrée dans son cœur comme elle illumine son objectif... Le résultat, le fruit, c'est « Leur Monde », qui nous présente - textes, portraits, œuvres photographiées... - trente-trois des plus célèbres « faiseurs d'images » de notre temps, et nous fait pénétrer dans le mystère de leur pensée la plus profonde : Arp, de Kooning, Braque, Cha­gall, Zadkine, Miro, Dali, Calder, Moore, Bissière, Lorjou, Nevel­son, Delvaux, Mathieu. Buffet et d'autres ! Sans oublier le trente-quatrième, Daniel Frasnay lui-même, leur égal sur le plan photographique, et qui les a rassemblés ici, patiemment, ingénieusement, avec amour...
Dans cet album prodigieux, vous trouverez, tout au long de ses trois cent soixante pages, toutes sortes de merveilles... D'abord une remarquable préface, par Huyghe, de l'Académie Française ; ensuite trente-trois présentations, étonnantes, par Frasnay l'écrivain ; puis autant de textes, écrits par les maitres présentés, et enfin, et surtout, des centaines d'admirables photos, aussi belles en couleurs qu'en noir et blanc, par Frasnay le Photographe...
Pour construire et réaliser ce livre, cette somme, il ne s'est pas contenté de faire cinquante ou cent mille kilomètres, et de ramener dix ou vingt mille photos, qu'on triera au retour, non ! C'est un reportage bien plus lointain - et bien plus dangereux - que ceux qu'il aurait pu faire en Chine, au Japon, à Asnières, ou chez les Coupeurs de Tètes de Bornéo.., Car dans ce livre immense, Daniel Fras­nay nous livre la récolte grouillante encore d'écume et de vie, qui est le résultat de sa plongée au fond du Cosmos de l'art, habité par les artistes... cela en fait le plus beau livre photographique que j'ai vu depuis bien des années. Quant au livre lui-même, en tant qu'objet, il est signé Draeger Frères, Maîtres-lmprimeurs... C'est dire que la forme en rivalise avec le fond ! Daniel Frasnay, vous avez enfin pris conscience de vous-même, de votre valeur, et vous avez trouvé la confiance qui vous manquait : vous avez quarante ans à peine, vous êtes jeune et on attend de vous encore beaucoup de livres de cette classe, sur toutes sortes de sujets, à présent que vous êtes devenu ce que vous étiez : un très grand photographe !


______________________________________________________________
Le soir illustré - 20 novembre 1969

CE MONDE DES GRANDS CRÉATEURS

Après avoir été l'un des meilleurs photographes de presse français et avoir tourné ensuite son objectif vers les coulisses des grands spectacles parisiens, Daniel Fras­nay s'est spécialisé aujourd'hui dans la reproduction d'œuvres d'art et le portrait d'artistes. Mais, comme avec lui rien n'est jamais banal, il a porté cette spécialisation au niveau même de ses modèles, c'est-à-dire que chacune de ses photos est elle-même une œuvre qui pourrait prendre place dans un musée. Non seulement ses clichés sont techniquement des merveilles, mais ils traduisent un climat, expriment des états d'âme et analysent une œuvre mieux que ne pourrait le faire la plus douée des plumes de critique. C'est que Daniel Frasnay, homme cultivé, fin, sensible, délicat et ouvert à toutes les manifestations de la vie est, lui-même un très, très grand artiste. II possède, en plus, le don d'amitié : on ne résiste pas à sa cordialité. Les plus farouches se font indulgents dès que pénètre chez eux ce photographe souriant qui a conservé, de ses origines gitanes, un amour absolu de la nature et de la liberté. Ceci explique que Daniel Frasnay a pu réaliser ce que personne avant lui n'avait pu faire : soumettre les plus célèbres des peintres et des sculpteurs de notre époque à toutes les contraintes qu'exige la recherche du meilleur angle de prise de vue.

Vingt ans d'amitié avec les plus grands créateurs d'aujourd’hui, des dossiers regorgeant d'instantanés et de notes recueillies en confidence, tout cela devrait nécessairement enfanter un livre. Il vient de paraître aux éditions Draeger et s'inscrit parmi les plus belles réussites de l'édition d'art. On y trouve Arp, Braque, Chagall, Zadkine, Miro, Magritte, Dali, Calder, Delvaux, César, Lorjou, Buf­fet, Mathieu, vingt autres encore, tous éclairés d'une lumière nouvelle, surpris dans leur inspiration, extraordinairement présents parmi les œuvres et dans leur décor quotidien.


______________________________________________________________
Photo-Revue - Février 1970

Michel François Braive attire votre attention sur

LEUR MONDE
33 créateurs, 33 rencontres

N'est-il pas vrai, Nadar fut le photographe des célébrités, de Delacroix à Chagall pourrait-on écrire, si Frasnay ne prenait sa suite, avec l'aisance du reporter moderne ?
Cette intrusion chez les artistes débutait, vers 1895, avec Dornac, auteur de carte­album intitulé « Nos contemporains chez eux ». Or, le livre illustré a pris son rythme de court-métrage, le montage permettant la finition des images. Dès le premier coup d'œil, on sent le «  monteur » de «  Leur Monde », avec Draeger pour la haute technique.
Grâce à Frasnay, chaleureux et nerveux, on rencontre Moore entre deux pierres, Nevelson sur sa terrasse de New York, Appel dans son atelier et avec Kooning, nous marchons sur le même sable de l'Atlantique.
Le visage de Bacon, la flûte de Davie, le sage Tobey manifestent l'ouverture aux étrangers, de cet ample ouvrage de 374 pages en noir et en couleur et malgré l'absence de Jorn, l'expressionnisme l'emporte sur l'Ecole de Paris.
Le photographe n'a pas refait «  Vivre avec Picasso », mais Dali est très « photogène » et Calder se défend bien. Les ateliers solitaires de Bissière et Giacometti sont émouvants,
Frasnay a éprouvé lui aussi ce qu'est la création ; ployé sur son pinceau, Matta forme, avec un tableau laissé au repos, une superbe double page, parmi d'autres.
Buffet est au travail, les mains de Arp, Braque ou Hartung ont leur expression. Delvaux et Magritte s'interrogent, dans les miroirs ou des fenêtres énigmatiques, comme il se doit entre surréalistes. Dans ce monde souvent tendu de la création, apparaissent les verdures de Sonia Delaunay, ou une fillette qui pose pour Yvonne Mottet.
Ce n'est pas un palmarès, de ma part non plus. Vasarely sourit aux projecteurs, Mathieu rêve sur ses meubles de haute époque, et César sur son jardin en ferraille.
« Leur Monde » est une suite de rencontres, également avec des coéditeurs, dans toute l'Europe : à New York, avec Siking-Press, ou à Tokyo, avec Orion-Press ! Heureux présages pour cette œuvre, déjà « Prix du meilleur livre d'art » à la foire de Francfort 1968.
Des textes concourent aux confidences, autographes de Miro ou de Pignon, et Frasnay fut aussi un auditeur de confiance et parfois poète.


______________________________________________________________
Le Figaro - 30 avril 1970 - par Michel Daubert

CLERGUE ET FRASNAY, POÈTES DE LA RÉALITÉ PHOTOGRAPHIQUE

La photographie est un art suspect lorsqu’elle se monte la tête et ne se satisfait plus d’être documentaire. C’est la faute de trop d’apprentis chimistes qui la dénaturent, en voulant lui faire rivaliser la peinture par exemple. Comme si son pouvoir d’expression propre était infirme et entaché de bâtardise.
Pourtant elle a ses maîtres. Deux preuves en sont données par les expositions de Lucien Clergue et Daniel Frasnay. Deux maîtres dont les œuvres divergentes mais d'une égale assurance effacent toute réticence et brisent les préjugés, tant elles ont d'évident éclat. Sans manipulations d'illusionnistes.

Clergue et les Nus de la mer. Une femme sans visage est roulée par les vagues comme une épave de sirène. Fouaillée d'embruns, caressée de soleil et de vent. Mille gouttelettes perlant sa peau. Le photographe est alors sculpteur ou modeleur. Il taille ou pétrit du regard le corps lumineux, choisit â son moment sublime un lieu de ce corps sous le jet suspendu de l'eau, puis tel autre dans le reflux de l'écume. Dix et vingt lieux du paysage multiple qu'il s'invente dans l'étreinte sensuelle du nu et de la mer. C'est techniquement affaire de cadrages savants et souvent acrobatiques, d'éclairages subtils et, sans doute, d'une foule d'astuces professionnelles. Mais ce n'est pas cela qui séduit l'âme, c'est la poésie intense de sa vision, son amour des formes radieuses et l'esthétisme très subtil de son langage.

Avec Daniel Frasnay, il s'agit d'un tout autre propos. Il a intitulé son exposition Cicatrices de la mémoire. Ainsi définit-il dès l'abord l'esprit de son œuvre. Des photographies qui sont comme les derniers signes visibles de blessures éprouvées, une suite d'images semées au fil de la vie. Cela commence par un aveu qui pourrait passer pour de l'exhibitionnisme si Frasnay ne confessait avoir surmonté à grand-peine la terreur de les montrer. De s'y dévoiler : désarmé, écorché vif devant ces femmes superbement inaccessibles ou sordidement vénales, ricanant toutes sur son passage, lui qui se voit comme un affreux nabot de cirque, un clochard édenté, repoussant. Un monde d'obsessions douloureuses où le vertige vous gagne. L'écœurement. On pense au cinéma réaliste italien.
Puis Frasnay découvre l'univers des artistes, les peintres et les sculpteurs de son temps. Il s'y reconnait, se retrouve en famille parmi ces autres clochards de l'esprit qui lui apprennent à surmonter son mépris de lui­-même. La confiance. Ce sont d'étonnantes images qui mettent en scène les hommes singuliers, pris chacun au centre de leur œuvre, de leur domaine ou de l'action créatrice, avec une parfaite intelligence de leurs caractères propres. Tout est dit de Magritte, Braque, Chagall, Giacometti, Delvaux, Calder, Pi­gnon, César, Mathieu ou Vasarely quand Frasnay les a simplement vus. On n'oubliera pas ce Zadkine assis benoîtement sur une caisse face à la grande statue de Van Gogh qu'il s'en va « livrer », le tout sur la plate-forme d'un camion traversant la place de la Concorde !

Aucune trace de complaisance chez Frasnay. Ni la sophistication de Clergue à qui il ne ressemble pas. Rien que la simple expression instantanée de sa sensibilité devant le flot des évènements, les repos qu’il s’y ménage, les portes qu’on lui ouvre et qu’il emplit de sa présence amicale. Il sait, d’un seul coup d’œil, sans hésitation ni reprise, d’un seul geste, saisir la vérité des poètes.


______________________________________________________________
Le Progrès - 18 septembre 1990

DANIEL FRASNAY AUX NOURRITURES TERRESTRES

Un géant de la photo au rendez-vous des artistes et de la nuit.

Des photos, Daniel Frasnay en a pris des milliers et des milliers. Lui, le petit poulbot avec du sang gitan dans les veines, qui deviendra l'ami des peintres, le « photographe des grands spectacles », le noctambule poète.
Daniel Frasnay a tout juste seize ans quand il s'initie aux travaux de laboratoire chez un célèbre portraitiste parisien : Carlet. De là sans doute, une vocation qui le conduira, non seulement auprès des peintres et des sculpteurs, mais aussi auprès des grands noms du cinéma et du théâtre.  

Si l'homme se définit comme un « professionnel à 200 % » qui n'a toujours travaillé que « sur commande » et « pour manger » , il faut voir là l'expression d'une réelle humilité. De celle, qui, toutefois, ne va pas sans détermination : Daniel Frasnay a toujours su ce qu'il ne voulait pas faire. Pour lui, chaque image est un choix, la  « rencontre avec un morceau de réalité ». Il photographie le temps, comme son propre temps de vie, « l'addition de plusieurs milliers de centièmes de seconde ».
Fasciné par les visages, la féérie du monde du spectacle et de la nuit il est, depuis 39 ans, le photographe officiel des revues du Lido de Paris. Il a été pendant plus de quinze ans le photographe de « Paris la nuit ». Le livre édité sur la base de son travail a été traduit dans la plupart des grands pays de ce monde.
Succès international encore en 1969 avec son livre album « Leur monde » : un superbe ouvrage où Daniel Frasnay consacre textes et photos à la gloire des peintres et des sculpteurs modernes (Prix du meilleur livre d'art à Francfort, Allemagne, en 1968).
En 1957, pour illustrer une enquête de Georges Simenon, il passe son permis de conduire, et part faire un tour de France. Six mois, et 120 chambres d'hôtel, pour un autre livre édité en plusieurs langues l'année suivante sous le titre « La femme en France ».

Lieux d'êtres
Daniel Frasnay illustrera ainsi une trentaine d'autres ouvrages dont deux, tout récemment : « Villeurbanne entre Dauphin et Lion » en 1988 et « Arts, Artistes Accueil » l'année suivante.
Dans le même temps, il devient photo-journaliste, expose à de multiples reprises, crée (en 1979) la Maison des arts en Champagne-Ardennes.
Mais le grand travail photographique entrepris en 1979 sur l'île de Pâques (Chili) à la demande de son éditeur ne trouvera jamais son aboutissement. Quand l'éditeur disparaît, Daniel Frasnay est ruiné.
Il reprend son errance, s'arrête un temps à Montpellier, vit aujourd'hui à Villeurbanne.
Il faudra que se tisse autour de lui un réseau d'amitié (Xavier Lejeune éditeur du livre sur Villeurbanne, Brigitte Gaschon, Guy Rosner, le docteur Horviller, Geneviève et Gérard Picot, des Nourritures terrestres) pour qu'il expose aujourd'hui, et pour la première fois, dans l'agglomération.
La série « Lieux d'êtres » ainsi présentée jusqu'au 30 octobre au restaurant « Les Nourritures Terrestres » comprend une vingtaine de photos grand format, d'ateliers de peintres et sculpteurs dont celui de Giacometti saisi au lendemain même de sa mort, avant que ne soient « prélevés » les dessins muraux.
Et, à propos de Braque, Cha­gall, Zadkine, Miro ou Dali, comme de tous ceux dont-il a croisé ou longé, la route, ce, nomade de l'image ne manque pas de souligner qu'il a « aimé d'abord l'homme avant l’artiste ».


______________________________________________________________
Texte écrit à l'occasion de l'exposition "Portraits des jours et de la nuit" au Centre Photographique d'Ile de France - 1991 - par Christian Caujolle, directeur de l'Agence Vu

On « redécouvre » aujourd’hui l’œuvre de daniel frasnay.

Au-delà du plaisir des images (dont certaines n’avaient jamais été tirées jusqu’à ce jour), on ne peut que s’interroger sur la fragilité du statut du photographe et, si les aléas de la vie sont parfois synonymes d’injustice, on reste confondu par le fait, que du jour au lendemain, une signature appréciée et reconnue puisse totalement disparaître.

Pourtant, du spectacle aux ateliers d’artistes, de l’Île de Pâques au Paris la nuit, des écrivains au cabaret, de la presse à l’édition, frasnay a touché a tout, exemplaire d’une pratique de la photographie qui a pratiquement disparu, celle qui, des commandes au plaisir de dénicher les images de la rue, amenait dans les années cinquante à pratiquer la photographie comme un mode de vie. C’est encore plus vrai avec frasnay qu’avec d’autres, lui qui a accompagné le Lido pendant quarante ans (il succéda à Gjon Mili)… et Zadkine, Mathieu, Herbin, Buffet, Lorjou et tant d’autres pendant des années. Passionné par des modèles qui devenaient des amis, frasnay le fidèle a écrit des chroniques de vies de créations, faisant de sa propre existence et long et souvent douloureux poème.

Pour cette première présentation qui laisse de côté les toutes premières photographies de Johnny Halliday et les dernières de Piaf (ce ne sont que deux petits exemples de tout ce que contiennent les archives frasnay…), ce sont les gens qui sont en jeu. Ceux du jour et ceux de la nuit, à travers des extraits de trois de ses grandes séries sur Paris la nuit, La Femme en France (publié en album avec Simenon) et sur les artistes plasticiens. C’est avant tout une ambiance, une attitude que cet extrait essaie de reconstituer.

Une attention aux regards et aux lumières, soucieuse par-dessus tout d’humanité, capable de déceler, au-delà du spectacle du monde, ce qu’il y a d’humanité douloureuse et d’enjeu dans les relations quotidiennes. Un humanisme traversé de tensions, sans optimisme excessif ni souci du « joli », parce que chaque image est le résultat d’une confrontation, la plus honnête possible, avec les personnages et les situations rencontrées. On ne s’étonnera pas, alors, de croiser Henry Miller, Bacon, Cocteau, Miro ou Minou Drouet par exemple, parmi les correspondants du photographe.

Après avoir publié plus de vingt-cinq livres, daniel frasnay avait disparu de la scène photographique et tous semblaient avoir oublié que, en 1968, son album sur les artistes et leurs ateliers, Leur Monde, avait été couronné à la Foire de Francfort du « Prix du Meilleur Livre d’Art ».

Ruiné par la disparition de l’éditeur Draeger (qui avait publié Leur Monde et avait commandé à frasnay un volume sur l’île de Pâques), il connaissait les plus grandes difficultés et une absolue précarité.

Il y a deux ans, le photographe Serge Cohen, qui débuta en photographie comme assistant de daniel frasnay, nous parla de lui et nous fit découvrir quelques unes de ces images.

C’est grâce à lui qu’une injustice est en passe d’être réparée et que nous avons, à nouveau, droits aux images d’une vie d’enthousiasme et d’intégrité.


______________________________________________________________
Télérama - Mars 1991

LE TEMPS DU GITAN

Daniel Frasnay, dans les années 50, 60, 70, vous a peut-être offert au hasard d'une page de journal l'une de ces photographies que l'on ne peut pas ne pas découper pour la scotcher à son mur ad vitam aeternam. Etait-ce une image du Paris popu des titis perdus ? A la Foire du Trône en 57, Mademoiselle Germaine, cuisses et sourire largement épanouis, demande sur son écriteau qu'on ne l'oublie pas à la sortie. Daniel Frasnay le Gipsy a beaucoup fréquenté les lieux de spectacle, du Lido aux Folies Bergère et, à cette époque, il publiait un grand reportage sur "la femme en Fran­ce" pour un livre de Simenon. Ou bien était-ce une image d'artiste ? Zadkine par exemple, impeccablement cravaté, à l’arrière d’une camionnette rafistolée place de la Concorde, accompagnant le transport de son monumental Van Gogh ! Car Daniel Frasnay a également côtoyé, aimé, les plus grands plasticiens et, en 66, il leur consacrait un ouvrage aux éditions Draeger...
Toujours est-il que dans les années 80, votre revue de presse quotidienne ou la vitrine du libraire ne vous donnait plus aucune nouvelle de ce photographe. Motif ? L'éditeur avec qui il préparait un volume sur l'Île de Pâques avait fait faillite. Pour lui : la ruine. Heureusement, Christian Caujolle, directeur de l'Agence Vu, s'est joliment décarcassé pour monter une rétrospective au Centre photographique d'Île-de-France (Pontault-Combault : 20 mn en auto de Paris). Les gadjé n'ont plus qu'à applaudir Frasnay !


______________________________________________________________
La Croix, L'Événement - 31 mars 1991 - par Dominique Vidal

FRASNAY, LE QUATRIEME MOUSQUETAIRE

Un « nouveau » regard sur les joies et peines de la France d'après-guerre

Doisneau, Ronis, Bou­bat. À force d'admirer - à combien juste titre ! - ce puissant trio de la « photographie humaniste française », on oublierait que d'autres, avec talent, ont illustré 1e genre. C'est tout le mérite du Centre photographique d'Ile-de-France et de l'agence Vu de nous permettre, en guise de cadeau de printemps, de redécouvrir Daniel Frasnay.

Célèbre dans les années cinquante pour des photos massivement diffusées par livres et journaux, il avait disparu de la scène, ruiné par la faillite de Draeger. Son œuvre, entretemps, n'en fut pas mains pillée par des photographes et des éditeurs sans scrupule. Voici venue l'heure de la revanche et avec elle, pour le visiteur, le plaisir de suivre une véritable démarche photographique : non seulement le travail de commande n'exclut pas, chez Frasnay, la cohérence, mais elle offre l'occasion toujours renouvelée de multiplier les facettes d'un vivant miroir.
S'y reflètent la société de l'après-guerre, les joies et les peines des riches et des pauvres, dont le contraste éclate dans la juxtaposition de la tribune du champ de courses de Chantilly et d'une soirée gitane autour d'un des Reinhardt.
Ma préférence va cependant au regard que porte Frasnay sur l'élan créateur des peintres et des sculpteurs. Ah, Zadkine assis à côte de son Van Gogh sur un camion qui traverse la place de la Concorde! Ou encore Henry Moore « caressant » une de ses statues, Magritte à sa fenêtre, la main de César sur une de ses créations, Miro allongé devant une toile...
Merci à tous ceux qui ont rendu â notre mémoire ce quatrième mousquetaire !


______________________________________________________________
Le Monde - 5 avril 1991

LES NUITS DE DANIEL FRASNAY

Daniel Frasnay a hanté les nuits parisiennes des années 50 et 60. Salle Wagram pour le catch, le Bidule pour le jazz, le Lido pour les Bluebells. Mais aussi le Casino de Paris, les Folles-Bergère et le Moulin-Rouge. Quarante ans de fumée, d'alcool, de musique, et un livre sur cette époque : Paris la nuit. De jour, Daniel Frasnay a photographié « la femme en France», les peintres, les courses à Chantilly. Et !a rue, bien sûr, dont les angles rappellent Dois­neau, Boubat et Ronis. A soixante et un ans et avec vingt-cinq livres derrière lui, Daniel Frasnay sort de l'oubli en quatre-vingt-quinze images humanistes. Ce n'est que justice.


______________________________________________________________
Libération - 7 avril 1991

DANIEL FRASNAY, LE JOUR APRÈS LA NUIT

S'il y a toujours de la gravité dans les images de daniel frasnay, c'est que notre monde, loin de lui paraître familier, n'a cessé de le surprendre. Ainsi du Paris des années 60,
strip-teaseuses, catcheurs et badauds, qu'il côtoie sans tutoiement mais avec sollicitude. Et quand ce protecteur des fantaisies nocturnes se retrouve au grand jour, face à Zadkine emporté par Van Gogh ou des gosses à la claire fontaine, il se tient encore à distance de ses modèles, soucieux de ne pas perturber leur manège quotidien.
Après des années d'absence, frasnay est de retour. Allez lui rendre visite.


______________________________________________________________
Le Journal de Toulouse - 23 mai 1991 - par Laurence Cabidoche

SAVOIR DIRE OU LA QUÊTE INACHEVÉE

Après Pontault-Combault, c'est Toulouse qui accueille l'exposition Daniel Frasnay : 40 ans de photographies à l'iconographie éclatée. Pudique et professionnel.

Pour Daniel Frasnay, touche à tout de la photo, l'objet n'en reste pas moins le support d'une interrogation permanente. Recherche, autoportraits imaginaires ou alors questionnement sur l'identité - La sienne - Réponse à ses doutes existentiels Frasnay semble se reconnaître dans tous les portraits, des plus flatteurs aux plus monstrueux. Le doute le taraude encore, le problème de l'origine - La sienne - Le commencement - d'où suis-je ? Multiples portraits, constellation de personnages qui suis-je ? - Effectivement il y a de quoi s’y perdre un peu, les mondes sortant de la petite boite étant aussi différents voire antinomiques que perturbateurs : Paris La Nuit : Coup d'œil du noctambule sur l'humanité nocturne, les faits et gestes, les habitudes, les regards, les occupations ; c'est le Paris d'après guerre, prol ou bourge jusqu'aux portraits de plasticiens, des surréalistes ou plus tardifs ; devenu leur ami, Frasnay leur survécu à tous. L'avenir est derrière lui ? Pas forcément.
Témoin d'une époque, Frasnay a cette qualité de d'abord montrer l'humain, le chic, le pauvre, le clochard ou l'artiste nanti avec pair seul lien de traquer la vie elle est, la création quand elle se fait.
Montrer ce phénomène créatif, à l'état pur, mais aussi les métamorphoses qui lui sont liées, surgissant de l'univers de la nuit, de l'impitoyable à la constatation, un peu comme ce " Regard froid " des artistes américains des années 50: le nain se grime et monte sur scène la strip-teaseuse réajustant son bas pour une énième représentation. Travaillant uniquement à la commande, Frasnay a tout enregistré :  cabarets et lieux de spectacles, spectacles de rues, tragiques ou drôles, cafés, cirque, foire du Trône, le Bidu­le, le Moulin-Rouge, le Lido, c'est quarante ans d'activité; Paris La nuit, c'est 5 livres : Des saltimbanques perforés d'épingles à « Mademoiselle Germaine » monstre informe mais souriante, habituée de la souffrance, incontournable curiosité du badaud. Accointance de Frasnay avec Diane Arbus, tous les lieux de vie, de sang, de mouvement (catch salle Wa­gram) avec toujours des personnages en représentation, l'homme sans nez, l'homme tatoué; des anonymes mais aussi des " noms ". Joseph Reinhart porte de Clignancourt dans une ballade au coin du feu, clin d'œil introspectif à l'enfance gitane du photographe ; ou encore BB se maquillant (où l'on comprend mieux pourquoi pour Frasnay, la femme est un danger mortel). Frasnay est aussi un photographe de l'émotion et des instincts instants : la spectatrice salle Wagram, harpie ni contrôlée, griffe dehors poing en avant; photographe des errances, rencontres et scènes de café adepte des jeux de miroir et de regards, révélateurs de tension. Mondain ou social, Frasnay garde l'humour: " L'oreiller Carlsberg ".
Mais Frasnay c'est aussi tout l'aspect Social, " la femme cri France ", réalisé avec Simenon, parcourant la France pour ramener des images de la vie ouvrière, couturières au travail, triage du charbon jusqu'à 1a " Récréation des Bluebells girls " du Lido.
Dès 51, Frasnay commence la série des portraits d'artistes et la presse étrangère s'intéresse à lui. Son point de vue : montrer le phénomène de la création, prendre le plasticien en action, peignant, jetant de la couleur sur la toile (APPEL), ou plus studieusement : Sonia Delaunay appliquée devant sa boîte de Caran d'Ache, Larry Rivers, mine lutine et un peu déjantée en plein travail de préparation de couleur, Hans Arp, impressionnant de gravité, visage fermé et dur levant la main et le bout du sourcil en signe de protestation, presque rébarbatif, sûr de son charisme ; Marc Tobey grisonnant, mains dans les poches, étonnement clean pour être dans l'atelier; Delvaux dont le cliché reste aussi énigmatique que sa peinture. Visage masqué d'ombre, pinceau levé, il termine une vierge froide sur fond de demeure qui l'est tout autant. Points importants : le regard qui ne fixe jamais la caméra et la main, instrument de la métamorphose. Le photographe se positionne presque en voyeur mais pas de surprise, les artistes ne sont pas pris sur le vif : pose étudiée : Miro dubitatif devant sa peinture. Parfois le personnage est pris dans un décor qui lui sied, en dehors de l'atelier (Wilhem de Koonig à Long Island ou encore Zadkine transportant son Van Gogh sur fond d'obélisque). Et puis l'extraordinaire visage de Magritte pris derrière une vitre. Signe particulier : le chapeau, indissociable du personnage. Pas de parapluie mais le costume 3 pièces impeccable. Le seul qui regarde l'objectif avec une lueur bien étrange dans les yeux à la Dirk Bogarde dans " The Servant ", Magritte n'a rien de l'artiste peintre ou du cliché qu'on s 'en fait. Petit bourgeois bien propre sur lui, Magritte fascine par ses paradoxes, son air de ne pas y toucher. Lèvres closes, regard pénétrant et pourtant impénétrable, on ne saura rien du personnage si cc n'est qu'on l'imagine mal le pinceau à la main. Poète de l'image et de l'illusion, pas de trace de matière, il est aussi lisse et aérien que sa peinture. Aussi froid. Froid dans le dos.
Et puis aussi la main, toujours en exergue; celle de Chagall, noyé dans sa toile, tendance à l'immersion, main veinée et anguleuse travaillée, signe de temps, différente de celle de César, pleine et charnelle, en contact direct avec sa sculpture.
Adepte du " savoir dire plutôt que du savoir-faire ", Frasnay donne peu dans la recherche d'effet de style et ses photos relèvent plus d'un état d'esprit entre urgence et nécessité. Souvent comparé à Doisneau, peut être pour ces images de tranche de vie parisienne, il est pourtant plus agressif que celui-ci et peut être légèrement plus désespéré.
Photographe par nécessité plus que promeneur insolite Frasnay, qu'on redécouvre après ces années de silence, est un photographe de composition, celle des réalités parfois difficiles du photographe indépendant. Regard douloureux et sincère, la photo devient exutoire. L'agence VU avec laquelle il entre en contact en 89 décide de diffuser ses archives, réservoirs d'images et d'informations. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Ultime confidence : Après 40 ans d'activité, Daniel Frasnay se cherche encore.


______________________________________________________________
Photo-Reporter - juin 1992 - propos recueillis par Hervé Le Goff

ENTRETIEN : DANIEL FRASNAY, LA LUMIÈRE DES AUTRES

IL A PHOTOGRAPHIÉ AUX FEUX DES MUSIC-HALLS ET à L'ÉCLAIRAGE DES GRANDS PEINTRES CONTEMPORAINS. DISPERSÉE DANS LE PATRIMOINE D'UN DEMI-SIÈCLE DE LA PRESSE ET DE L'ÉDITION, L’ŒUVRE A FINI PAR CACHER SON AUTEUR. ENTRETIEN AUTOUR D'UNE QUÊTE DE VÉRITÉ.

Vous avez eu plus de vingt importantes expositions dans le monde entier, publié une trentaine de livres, et reçu plusieurs distinctions et pourtant vous n'avez pas accédé à la célébrité que partagent d'autres photographes. A quoi cela tient-il ?
Je pense que ça vient de moi, ou plutôt de mon enfance qui a été marquée par une suite de rejets. Je n'ai pas connu mon père et il n'y avait pas de place pour moi dans la vie de ma mère. J'ai souffert, et à la fois j'ai joué au martyr, j'ai tout fait pour être aimé et j'ai tout fait pour ne pas l'être. Je me suis bâti un monde qui m'a permis de tenir debout mais je n'ai jamais rien fait pour aider le succès. A part Willy Ronis que je tiens pour un vrai poète, je suis toujours resté en retrait des groupes et des chapelles, j'ai voulu protéger mon indépendance. Cela se paie, on a publié récemment un dictionnaire des Photographes, et je n'y suis pas mentionné.

C'est tout de même un photographe qui, pendant votre enfance, vous a appris votre métier ?
Plus qu'apprendre un métier, il s'agissait de gagner ma vie. J'ai commencé à quinze ans, chez un portraitiste, Roger Carlet. J'avais vu sur une porte cochère une annonce qui demandait un apprenti « présenté par ses parents ». A l'époque je n'avais pas de parents. C'était la guerre, j'étais encore en culotte courte, je portais un short kaki et une veste gris perle en soie de premier communiant, échangée au marché noir. Je me suis présenté comme ça chez ce portraitiste en vogue qui m'a pris comme « grouillot » pour laver les verres des encadrements, faire les courses, préparer les bains. Carlet était un ancien opérateur de chez Har­court, comme la plupart des portraitistes parisiens de ces quinze ou vingt années qui ont suivi la guerre. Là où j'ai eu la chance de connaître un très bon tireur, Henri Matalon, qui m'a appris à tirer, surtout la nuit parce qu'en 1944, on n'avait déjà plus de lumière la nuit. Carlet faisait ses portraits avec des phares d'auto branchés sur des accus de voiture. A la libération, il n'arrivait plus à vivre du portrait, et nous allions tous les matins photographier les FTP et les Résistants qui s'engageaient dans l'armée Leclerc pour la campagne d'Alsace à la caserne Reuil­ly. C'est ce qui m'a permis d'apprendre la prise de vue, le maniement d'un appareil. On photographiait ces jeunes soldats dans leur nouvel uniforme, on faisait les tirages la nuit et le lendemain on pouvait livrer les portraits sous forme de carte postale. Comme il y a eu beaucoup de morts, Carlet a du faire par la suite beaucoup de retirages. Au bout d'un an, Carlet ne supportait plus mes facéties et m'a mis à la porte, sans méchanceté, il m'avait même fait cadeau d'un vieux pied rouillé. Je vivais dans un hôtel meublé. Il y avait là des Arabes qui travaillaient dans une usine de caoutchouc, ils m'ont trouvé un emploi de manutentionnaire, mais aussitôt je me suis présenté chez Harcourt comme tireur, ce qui était assez culotté. A cette époque, on ne parlait que d'Harcourt, j'étais nourri de ce qui se faisait chez Harcourt, même si Carlet avait un style un peu plus moderne. La concurrence était terrible au niveau des théâtres. Il y avait Teddy Piaz, Charles Vandamme et aussi Rodriguez qui était établi juste en face de chez Carlet, avenue de l'Opéra, mais il me semblait que je ne pouvais aller que chez Har­court. Finalement, j'ai reçu une lettre qui me demandait de venir faire un es­sai. Et ça a marché.

Ce séjour tant désiré chez Harcourt a-t-il eu une influence formelle sur votre œuvre ?
Harcourt employait cent-vingt personnes, on était une vingtaine de tireurs et on parlait des grands opérateurs qui avaient la gloire de la maison et qui étaient partis pendant la guerre aux Etats-Unis pour faire la lumière dans les studios de Cinéma. Je n'ai vu Voinquel qu'une seule fois. Il y avait seize studios chez Harcourt, mais les tireurs qui se trouvaient sous les toits ou en sous-sol y allaient rarement. Il y avait un autre photographe qui s'appelait Serge Jacques. Il venait surveiller ses tirages et je dois dire qu'il m'a beaucoup aidé dans mon travail, en m'expliquant ce que c'était que la lumière. J'ai compris que le fait de tirer vous permet de beaucoup mieux lire, de comprendre vraiment une photographie. Mais il n'y avait pas que ça, il y avait aussi le cinéma. Depuis mon enfance, chaque fois que j'ai eu de l'argent, je suis allé au cinéma, j'y ai appris beaucoup de choses sur le mouvement, sur la lumière. Je me rappelle que je fréquentais le Cinéac des Champs-Elysées où on ne passait que des actualités. Et il s'est passé autre chose. En 47, je suis tombé malade, tuberculeux, résultat de l'enfance difficile, de la guerre et du rationnement. Les dix-huit mois de sanatorium ont été une chance pour moi, j'y ai ren­contré un poète qui avait été le secrétaire d'Eluard, qui s'appelait Jacques Doucet. Grâce à lui, j'ai appris à lire les grands écrivains, Aragon, Michaux, Artaud, Lautréamont, Maïaskovsky, Eluard, Prévert. Le meilleur de ma culture vient de là.

Comment devient-on le photographe du Lido après un départ aussi difficile ?
En sortant du sanatorium, j'ai travaillé comme tireur chez les frères Lipnitski, qui étaient spécialisés dans le spectacle. Le soir, j'allais vendre les photos dans les théâtres et les music-halls. Henri Varna qui était le propriétaire, directeur et metteur en scène du Casino de Paris s'exclame en me voyant « voilà un joli garçon ! » et me propose de faire les photographies de ses spectacles. C'est comme ça que je me suis lancé dans l'aventure. Tout est venu en même temps. Aussitôt que j'ai eu le Casino de Paris, j'ai eu le Lido. La première photographie que j'y ai faite, a été celle du nouveau danseur qui succédait à Georges Rech. Pour moi c'était très impressionnant. Jusqu’alors le photographe du Lido avait été Gjonn Mili, cet Américain qui était à Life, qui se déplaçait avec cinq assistants dans un camion de matériel chromé. Il disposait cinq Rollei un peu partout, sur des barres, sur des échelles et les déclenchait par un système de radio. Les assistants réarmaient les appareils et les rechargeaient. Mili a déplu parce qu'il mettait les pieds sur la table. Comme éclairage, j'avais mon tout premier flash électronique, un Eclatron inventé par les frères Lefèvre et que j'ai fixé à l'aide d'une ficelle sur le pied que m'avait donné Carlet. C'est comme ça que j'ai commencé dans le cabaret le plus chic du monde avec un vieux pied tout rouillé. En deux ans, je suis arrivé à dix-huit électroniques grâce auxquels je recréais les lumières des comédies musicales, comme je l'ai fait en 90 pour la dernière revue du Lido.

Vous êtes aussi un des photographes qui ont le mieux approché les peintres contemporains. Quel lien v a-t-il entre les lumières de la scène et la création de l'atelier ?
Le Lido m'a mis en contact avec la presse qui avait besoin de photos. Je suis devenu le correspondant à Paris de plusieurs journaux étrangers, Else­viers, De Post, le Soir Illustré, et aussi d'agences de presse, Associated Press, Bips pour New-York, PAF pour Londres, Gotha pour Anvers, Orion Press pour le Japon. A partir du moment où j'ai commencé à travailler pour la presse, où on commençait à me connaître, on m'a commandé les reportages sur les peintres. Le premier a été Herbin. Juste après, ça a été Ma­thieu qui était le chef de file des abstraits gestuels. Il devait peindre sur la scène du Théâtre Sarah Bernhardt, pour la Nuit de la Poésie. Pendant qu'on récitait les textes, Mathieu écrasait ses tubes et faisait gicler ses couleurs sur la toile. Le public lui lançait des tomates. Tout ça est paru dans De Post. Quant Mathieu a vu le reportage, il m'a demandé de travailler pour lui, ce que j'ai fait pendant plus de quinze ans. Au même moment, j'ai connu Lorjou, qui était un figuratif militant, il menait son combat contre la peinture abstraite, contre Malraux qui avait déclaré que la grande peinture n'était plus figurative. Lorjou agissait sur le terrain en lançant des boules puantes dans les vernissages, il attaquait les conservateurs de musée. Il avait même loué une péniche pour exposer ses tableaux contre de Gaulle et qui a circulé sur la Seine pendant quatre jours avant d'être arrêtée par la police, tout ça était très photogénique. Je travaillais aussi pour Bernard Buffet qui m'a donné deux exclusivités grâce auxquelles j'ai pu travailler avec la revue américaine The Critic qui m'a demandé de suivre le groupe des évêques américain au Concile Vatican Il.

Peut-on facilement passer des ambiances nocturnes des cabarets à la fréquentation de gens comme Herbin ou Lorjou ?
Ce sont les deux faces de l'homme. Au Lido, j'y allais pour faire le travail, et je n'y revenais que pour une autre revue. Plus exactement je venais quinze jours avant pour regarder la revue, les photos étaient faites en partie pendant le spectacle et en partie posées. Je n'ai pas cherché à imiter Gjonn Mili. D'abord je n'avais pas ses moyens. J'ai cherché à faire autre chose et c'est sans doute ce qui a plu à ces gens. J'avais ma conscience professionnelle, je pense que c'est surtout ça. Je ne pense pas que beaucoup de photographes français se soient confrontés à ce genre de prises de vues. Au début, on faisait une revue tous les ans, après ça a été tous les deux ans puis tous les quatre ans. A part deux spectacles, j'ai photographié toutes les revues du Lido en quarante ans, avec le même metteur en scène, Don Arden, le même costumier, Folco. Le spectacle m'a permis de bien gagner ma vie, ça me permettait de payer mes dettes, de refaire surface. C'est un monde dont j'ai besoin pour vivre mais je ne m'y suis pas intégré.
Quand j'ai rencontré Herbin, il vivait avec sa femme dans une loge de concierge. C'est elle qui faisait vivre le couple grâce à des travaux de couture. La loge n'avait qu'une fenêtre où elle travaillait et lui dessinait. Il venait d'avoir une hémiplégie, il travaillait en tenant sa main. Cette souffrance intérieure, quand je la rencontre, c'est peut-être là que je suis meilleur photographe. Je voyais les tableaux d'Herbin dans cette atmosphère grise, et je voyais les plus beaux tableaux du monde. C'était extraordinaire, chaque peinture était un poème, une phrase, il s'était inventé un alphabet personnel, un alphabet plastique. Il m'a donné un livre, et donc je suis entré là-dedans. Ma première rencontre avec cet homme m'a fait comprendre qu'il y avait dans tout individu une part de Dieu. Le mystère de la création, c'est un peu ma quête. Savoir comment peut se faire une grande œuvre. Et c'est pour ça que j'ai suivi tous ceux qui m'ont fait cette impression. Ça m'est arrivé avec Mathieu, j'ai travaillé dix-sept ans pour lui, trente pour Lorjou, deux ans au Mexique avec le grand naturaliste Siqueiros.

Votre carrière au Lido s'est jouée sur la bonne impression que vous avez faite à Henri Varna, il semble, a lire ce qui a été écrit sur vous, que les peintres célèbres que vous avez photographiés ne vous marchandaient pas leur amitié. Vous aviez tout pour faire ce qu'on appelle une carrière brillante. Qu'est-ce qui vous en a empêché vraiment ?
Mon travail sur les gens du spectacle m'avait imposé une énorme discipline. Je ne fumais pas, je ne buvais pas, c'est à peine si je m'asseyais. J'étais vraiment étranger à ce monde du spectacle et à ses mœurs, mon enfance m'avait appris ce qui était mal mais je ne savais pas ce qui était bien. Je n'ai jamais connu mon père, je suis Tzi­gane par ma mère et ce que j'ai d'abord cherché à savoir c'est qui j'étais. J'ai voulu aller au plus profond. Vous savez, au-dessus de l'eau, il y a la surface troublée par le vent, puis il y a la vase, et en- dessous enfin la source, et plus vous vous en approchez, plus l'eau est pure. Ce que j'essaie de faire, c'est atteindre la source. Donc je me suis mis toujours dans la difficulté, de façon à ne pas utiliser des recettes. Si j'avais dû devenir célèbre, ç’aurait été au moment de la publication de Leur Monde, en 1969, où tous ces portraits de peintres se trouvaient rassemblés. C'est le moment que j'ai choisi pour aller au Mexique. Je me suis toujours remis en question, sur mon travail, sur mes campagnes, sur moi-même. Au moment où les choses meurent, il ne faut pas s'attacher, il faut partir. J'ai toujours tout abandonné pour pouvoir aller plus loin, peut-être plus bas mais plus loin de toutes façons. J'ai toujours été habité par le doute. En essayant de savoir qui j'étais, j'essayais de savoir ce que je valais. Un être très sensible c'est aussi un être très influençable et je n'ai pas essayé de regarder les photographies des autres. J'ai plutôt cherché à me cultiver, à travers le travail avec les peintres, les sculpteurs, les maîtres verriers. Je ne suis pas connu parce que j'ai fréquenté ce monde qui est d'une autre dimension, je ne veux pas dire que c'est une plus grande dimension, mais les photographes bavardent trop, alors que le plasticien, le peintre, le graveur, ou le sculpteur fait. Tout ce qu'on perd en paroles ne passe pas dans l'œuvre.

Vous vous sentiez donc plus proche du silence des peintres ?
Oui, bien que, pour moi, la photographie n'ait rien à voir avec la peinture. Elle a beaucoup plus à voir avec l'architecture, la sculpture, le vitrail. La photographie, c'est bien sûr la lumière, mais c'est aussi l'espace. Ce que je photographie, c'est l'anecdote de la lumière. Je n'ai jamais essayé d'imiter la peinture ou le travail des peintres, j'ai retenu leur leçon face à ces éléments, à la construction, à l'expression. Comme je n'ai jamais appris comment se faisait une bonne photographie j'ai plutôt développé le côté savoir-dire que le côté savoir-faire. Je n'ai jamais eu de grands appareils, j'ai toujours travaillé avec de petits moyens, donc je ne peux pas dire que je fais d’excellentes photographies, techniquement mes meilleures photographies sont celles du Lido. C'est la commande qui détermine la technique, le format de la prise de vue et le reste.

Comment s'est faite votre rencontre avec l'agence VU ?
Grâce à Serge Cohen qui travaille maintenant pour le Frankfurter Allge­meine Zeitung et qui a été mon assistant en 67-68. C'est lui qui a parlé de moi à Christian Caujolle à un moment assez difficile de ma carrière. Je suis revenu en 81 de l'Île de Pâques où je réalisais depuis deux ans pour Draeger un important travail dans lequel je m'étais totalement impliqué. La faillite de Draeger a été ma propre ruine, j'ai dû tout arrêter, tout vendre. Alors, j'ai trouvé un travail pour les commissaires priseurs de l'Hôtel Drouot, j'ai eu une exposition importante en 85, Les Amants de l'Atoll Drouot, et certains commissaires ont voulu que je fasse un livre, mais ça ne s'est jamais fait. En réalité beaucoup de projets auxquels je croyais profondément ne se sont jamais réalisés. La mort m'a retiré beaucoup de choses. Je travaille avec des artistes connus, souvent âgés et qui pensent qu'ils sont immortels. Je devais faire un livre sur Siqueiros en 87 mais il est mort avant. Je gagnais ma vie avec Lorjou, nous avions aussi un important projet d'édition. Mais sa secrétaire japonaise lui a raconté un film d'horreur, il en est mort de rire,

Finalement, l'agence n'est-elle pas ce qui convient le mieux à un photographe qui ne s'est jamais soucié de sa propre image ?
Sans doute et je dois dire que j'ai été bien accueilli à VU, c'est la première fois de ma vie que j'ai des rapports avec un cénacle de photographes professionnels. Christian Caujolle et les membres de son agence ont fait tellement pour moi en me rassurant. Je me suis tellement investi dans certaines photographies que je n'avais jamais osé les montrer. L'importante exposition de Pontault-Combault de 1991 a été montée grâce à la persévérance de Caujolle et à l'enthousiasme de Ri­chard Fournet, le Directeur du Centre Photographique de l'Île de France. Elle a eu de bons échos dans la presse qui m’ont beaucoup touché. Mon nom avait suscité certaines réminiscences. La question qui se pose maintenant c'est de savoir ce qu'on va faire dire à ces images. J'ai fait en 73 un travail pour Draeger sur la Vallée des Merveilles, c'est resté inédit, comme la sélection pour 1e livre sur Siqueiros, ça n'a jamais été montré. J'ai 25000 photos sur Lorjou, j'en ai 15000 sur Ma­thieu. Contrejour a également un projet sur Paris la nuit, j'ai envoyé a Mar­cel Lefranc un premier choix de 8000 négatifs. I1 y a aussi une monographie en préparation. Mais le travail de l'agence a produit un autre effet : je suis confronté à mes archives. J'ai retrouvé il y a quelques jours le portrait que j'avais fait de Louis-Ferdinand Céline à Meudon. Il revenait de son emprisonnement au Danemark, malade, défait. J'avais lu ses livres mais j'avais honte d'entendre cet homme me parler du style, comme si à vingt-deux ans, j'étais capable de comprendre ce qu'il disait. Je photographiais le désastre d'un engagement politique et ça m'a marqué toute ma vie.

Accepteriez-vous enfin que votre œuvre connaisse le succès qu'elle mérite ?
J'accepterais le succès, mais avec le même tempérament, le même regard. Je viens de finir un travail sur César que j'avais photographié il y a 35 ans et qui a récemment réalisé une œuvre pour Hong-Kong. La Fondation Car­tier s'occupe de l'affaire et a souhaité qu'une exposition photographique accompagne cette pièce. On a donc repris les photographies anciennes, et j'ai eu la commande d'un reportage sur l'élaboration de cette nouvelle sculpture. L'ensemble est exposé en ce moment à Tokyo. Le problème d'argent a toujours existé dans ma vie d'homme-photographe. Je n'ai jamais vécu que de commandes, ce qui ne m'a jamais empêché d'œuvrer avec curiosité et passion.